Moyen-Orient: intérêt accru pour les drones

Par Fadi Assaf. Rédigé le 2 Mai 2012.

Dans leur combat contre al-Qaëda au Yémen, combat qui semble s’intensifier depuis les récents arrangements politiques imposés sous une supervision américaine directe, on annonce un emploi massif de drones par les forces américaines. Le drone, qui a joué un rôle central dans les opérations militaires en Libye, était lui-aussi américain : la coalition internationale engagée dans les opérations, y compris les Britanniques et les Français, ont pu en profiter d’un point de vue opérationnel, au bon gré des Américains. AQMI, al-Qaëda en Afghanistan et ses bras opérationnels au Pakistan, les pirates somaliens, l’Iran, l’Irak etc., sont tous des « clients » du même drone américain. Le drone américain devient « l’ennemi à abattre », en tout cas pour ceux qui ont ou pensent avoir les moyens de se mesurer à de tels systèmes.

Au Liban, et face à Israël, le Hezbollah semble avoir choisi deux voies pour contrer la supériorité israélienne en la matière : « pirater » carrément les systèmes israéliens, comme il a réussi à le faire jusqu’à désinformer l’ennemi, et tenter d’exploiter cette même arme face à l’ennemi en se dotant, comme l’annonçaient récemment les médias israéliens, de mini-drones de fabrication iranienne.

A une autre échelle, l’Iran en fait de même : ses forces tentent de contrer les violations de son espace aérien par les drones américains, tout en se dotant de drones pour les aligner face aux Américains, dans le Golfe notamment.

Le RQ-170 Sentinel capturé par les Iraniens. Press TV

Les Iraniens ont tendance à s’attribuer trop facilement le mérite d’un crash accidentel d’un drone ennemi sur leur territoire, mais on ne peut que leur reconnaître cet immense succès annoncé en décembre dernier, avec la « capture » du drone furtif américain RQ-170.

Sans remonter la chaîne d’alliance jusqu’à la Russie à laquelle d’aucuns attribuent un rôle dans le « détournement » du RQ-170, il s’agit clairement d’un grand échec américain, dans le ciel iranien. Les Américains, qui peuvent redouter le « copiage » de leurs technologies nouvelles de drones par les Russes ou aussi les Chinois, semblent plutôt rassurés sur les contraintes iraniennes dans ce domaine même si les Iraniens annoncent le développement d’une copie « supérieure » à l’original…

La guerre des drones bat son plein entre l’Iran et les Etats-Unis, et les révélations sur le déploiement par les forces américaines de F-22 Raptor sur la base émiratie d’al-Dafra ont aussitôt provoqué la république islamique.

En pleine tension entre Téhéran et Abu Dhabi autour des trois îlots « émiratis » à l’entrée du Golfe (où vient de se rendre le Président Mahmoud Ahmadinejad, et où les Iraniens viennent de déployer un arsenal « défensif et offensif »), le Ministre iranien de la Défense le brigadier-général Ahmad Vahidi a violemment réagi au déploiement de F-22 Raptor aux Emirats Arabes Unis, dénonçant cette mesure qui mine la sécurité régionale selon lui (al-Aalam TV, 30/04).

[box style=”rounded” border=”full”]Les Etats-Unis déploient des F-22 Raptor aux Emirats Arabes Unis, ce qui n’a pas manqué de provoquer l’Iran, même si, d’un point de vue strictement opérationnel, cet appareil est un intercepteur, alors que la menace iranienne contre ses voisins ne vient pas de sa flotte d’avions militaires, loin de là, mais plutôt de ses moyens balistiques (d’où le programme THAAD d’Abu Dhabi). Le F-22 Raptor est un intercepteur et il ne semble donc pas spécifiquement adapté au traitement de la principale menace iranienne (missiles). Son déploiement aux EAU aurait-il une dimension commerciale? Après la vente de F-15 à l’Arabie saoudite, les Américains chercheraient-ils à déstabiliser le programme d’avions polyvalents d’Abu Dhabi (Rafale) en proposant le F-22 Raptor ?[/box]

L’Iran poursuit ses programmes de drones et place ce domaine parmi ses priorités industrielles, technologiques et opérationnelles. Israël aussi met l’accent sur ce créneau, seul ou en coopération avec des partenaires industriels extérieurs. La Turquie développe une même ambition en la matière, qu’elle voudrait à la hauteur de son rayonnement régional actuel.

Les Etats-Unis, leaders incontestés dans le domaine, exploitent intensément leurs drones dans leurs opérations extérieures, surtout au Moyen-Orient et en Asie, non sans en faire bénéficier les alliés de l’OTAN ou même des alliés hors-OTAN.

Logiquement, pour s’affirmer au rang de « puissance régionale », les Etats arabes qui ont les moyens de développer leurs capacités militaires et surtout aériennes, ne manqueront pas de s’intéresser à leur tour aux drones. Des « mini-drones » pour commencer, lorsqu’il s’agit de surveillance des frontières par exemple, en attendant d’être en mesure de s’offrir des systèmes plus élaborés. Entretemps, les alliés des Américains, dans le monde arabe, peuvent compter sur la présence de drones américains de technologies supérieures, tout en se soumettant au bon vouloir de l’état-major américain pour espérer faire profiter leurs propres forces armées des moyens américains… Plus tard, la diversification de leurs partenaires militaires et de leurs sources d’approvisionnement en armes pourrait trouver une application directe dans le domaine des drones, avec un drone français ou un drone européen.

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