“François Fillon à Beyrouth. Au chevet des chrétiens d’Orient” annonce un hebdomadaire libanais francophone avec l’espoir d’avoir visé juste en diagnostiquant les vraies raisons de cette visite, privée, d’un ancien Premier ministre français à Beyrouth, du 19 au 21/12/14 (L’Hebdo Magazine, 02/02/15). Quelques années auparavant, en 2008, les médias libanais, régionaux et français (Le Figaro, 20/11/2008) et les agences de presse internationales (AFP) annonçaient, sans hésitations aucunes, que la visite du Premier ministre français François Fillon visait à “aider le Liban à relancer son économie”. Les temps ont changé: celui qui venait en visite officielle au Liban, accueilli à sa descente d’avion par son homologue Fouad Siniora, avec l’ambition de concrétiser l’engagement pris par la France de relancer l’économie libanaise, revient à Beyrouth en visite privée, avec des objectifs flous et des moyens plus qu’incertains. Cela n’empêche pas la propagande de ses réseaux umpéistes dysfonctionnant de le décrire comme venu sauver, non plus l’économie libanaise, mais les Chrétiens d’Orient (après ses visites à Erbil et à Bagdad). Belle et ambitieuse initiative…
Plus modestement et plus pragmatiquement, il semble que Fillon cherche, grâce à cette visite, au cours de laquelle il n’a pas manqué de visiter, symboliquement, un camp de réfugiés syriens dans la Béqaa, à se constituer un réseau d’affaires moyen-oriental, à partir d’une plateforme libanaise. Libéré, ou en cours d’être libéré de ses contraintes politiques et politiciennes, et ne semblant plus croire en son avenir politique, ni à sa place au sein du club des anciens Premiers ministres de l’UMP, il revient au Liban pour concrétiser ce qu’il prônait déjà lorsqu’il dirigeait le gouvernement : la diplomatie économique. Cette visite, passée inaperçue dans les médias français car, avant tout, elle relève du domaine privé, sera suivie d’une série d’échanges avec les réseaux d’affaires que l’ex-Premier ministre espère construire au Moyen-Orient.
Diplomatie Economique
Alors que le gouvernement actuel, sous la Présidence de François Hollande, se démène pour imposer la culture de la diplomatie économique, si chère au Ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, à tous les échelons de l’administration tournée vers l’exportation, un ancien Président Nicolas Sarkozy, et un ancien Premier ministre François Fillon, se lancent dans l’aventure pour vendre, chacun à sa façon “la maison France”.
Sarkozy, qui se fait inviter et rémunérer pour faire de “l’influence” (une des facettes de la diplomatie économique), déchaîne toutes les passions lorsqu’il s’affiche à Abu Dhabi, aux côtés d’un jeune et influent cheikh Mansour Ben Zayed Al Nahyan, vice-Premier ministre des Emirats Arabes Unis (conférence, 02/02/15), ou lorsqu’on lui reproche ses relations opaques avec les dirigeants du Qatar. Sans revenir sur les raisons, valables ou pas, des critiques entendues, à Paris, à l’encontre de cette diplomatie économique “à la Sarkozy”, on doit reconnaître que les interventions de l’ex-Président dans un pays qui est comme les EAU un partenaire stratégique de la France dans le Golfe, servent, directement ou indirectement, le rayonnement de la France, son influence, ses intérêts. Sarkozy, à qui on peut reprocher de se faire rémunérer par des acteurs étrangers alors qu’il est à la tête de l’UMP et qu’il cultive de nouvelles ambitions présidentielles, assume ses choix personnels. Il semble se plaire à ce jeu de conférencier, et de lobbyiste même, et ne devrait y renoncer que s’il s’engage, officiellement, dans la course à l’Elysée. Comment la France en profite-t-elle? La réponse est complexe et mérite d’être traitée en profondeur…
Quant à Fillon, il ne semble toujours pas en mesure d’assumer son ambition de monnayer son influence, ou de jouer au lobbyiste pour la France, et pourquoi pas pour ses industriels et ses acteurs économiques, directement. Il n’est pas sûr, encore, d’abandonner la politique non plus, ou de s’y engager totalement. Il est dans une situation pour le moins inconfortable, mais cette situation devrait l’amener, un jour ou l’autre, s’il renonçait à la politique, à se reconvertir dans les affaires, et à pratiquer, personnellement, la diplomatie économique élevée par les gouvernements successifs au rang de stratégie nationale. Il n’y a pas de honte à le faire, sauf qu’il faut le déclarer et l’assumer. Sarkozy le fait, tout en se préservant une voie de retour en politique (entendre la Présidence). Fillon hésite, mais pas pour longtemps encore semble-t-il. Les encouragements de ses nouvelles amitiés libanaises pourraient finir par le convaincre d’entamer, sérieusement, sa reconversion.