Fadi Assaf.
Nommé vice-Ministre des Affaires étrangères en juillet 2011, après avoir été conseiller auprès du roi pour les affaires syriennes et libanaises et après avoir occupé un poste de responsabilité au sein de la Garde nationale, le prince Abdulaziz Ben Abdullah Ben Abdulaziz conforte sa place dans le système familial, à l’ombre de son père le roi Abdullah. Né de mère libanaise, diplômé en Science politique de l’université d’Hertfordshire, le prince Abdulaziz, 49 ans, a l’oreille de son père, lorsqu’il s’agit surtout des dossiers iranien, chiite, syrien et libanais. Il bénéficie du soutien de ses frères, dont le Ministre d’Etat et commandant de la Garde nationale prince Mitaab Ben Abdullah Ben Abdulaziz, et du réseau d’alliances intrafamiliales du clan Shammars et du roi Abdullah.
Pragmatique, Abdulaziz encourage le roi à éviter la confrontation frontale avec l’Iran dont le Président Mahmoud Ahmadinejad a été accueilli par le souverain avec la plus grande attention lors du sommet des Etats de la Conférence islamique à La Mecque. Il serait plus prudent que « son » Ministre, le prince Saoud el-Fayçal, lorsqu’il s’agit d’embarquer le royaume dans une guerre ouverte contre le régime de Bachar el-Assad en Syrie et lorsqu’il s’agit d’encourager les alliés libanais de Riyad à croiser le fer avec le Hezbollah au Liban. Ses prises de position sur le dossier syrien par exemple sont plus tempérées que celles du prince Saoud el-Fayçal ou de son frère le prince Turki el-Fayçal (qui n’a pas de position officielle aujourd’hui, après avoir été pendant des décennies Ambassadeur à Londres et à Washington et chef des Renseignements), ou encore que celles du « faucon » Bandar Ben Sultan Ben Abdulaziz, Secrétaire général du Conseil de la sécurité nationale et qui vient de succéder à son oncle le prince Muqrin Ben Abdulaziz à la tête des Renseignements saoudiens.
Le prince Abdulaziz Ben Abdullah, qui attend le départ du prince Saoud el-Fayçal pour accéder au poste de Ministre des Affaires étrangères du royaume, sait être ferme et déterminé, comme il l’a manifesté lors de la réunion des Amis de la Syrie à Paris, mais il sait aussi rester diplomate en s’imposant une retenue nécessaire pour contenir l’élan des uns et des autres… Son « pragmatisme » tend désormais à influencer la politique égyptienne de Riyad. Pour l’instant, il lui faut bien réussir sa dernière ligne droite, tant que son père est encore aux commandes, même si son oncle le Prince héritier Salman Ben Abdulaziz est bien disposé à son égard de manière générale. Son « challenger » naturel au poste de MAE, le prince Turki el-Fayçal, s’est pratiquement exclu lui-même de la course (à travers une attitude particulièrement arbitraire et émotive au cours des dernières années sur les dossiers sensibles du moment), alors que son statut de « petit-fils du roi fondateur » n’affecte en rien son ambition dans ce cas précis (Saoud el-Fayçal, 70 ans, est lui aussi « petit-fils » du roi Abdulaziz, et fils du roi Fayçal Ben Abdulaziz, alors que le remplacement du prince Muqrin Ben Abdulaziz par le prince Bandar Ben Sultan Ben Abdulaziz aux Renseignements ouvre grande la voie à la progression des « petits-fils » dans l’hiérarchie du pouvoir). L’alliance entre le roi Abdullah et le clan des Fayçal doit pouvoir garantir une succession sereine au MAE.
La question reste, en attendant le départ annoncé du prince Saoud el-Fayçal (gravement malade et aujourd’hui toujours hospitalisé à Djedda), si le prince Abdulaziz Ben Abdullah manifestera rapidement ou non une volonté de tourner la page de près de 80 ans de politique extérieure dominée par le clan des Fayçal (le roi Fayçal lui-même avant d’accéder au trône en 1975, puis son fils Saoud). Trois raisons laissent supposer que la progression, et la transformation, seront lentes : (i) il y a tout d’abord le poids des Fayçal (et du prince Saoud el-Fayçal surtout) dans l’élaboration des grandes lignes de la diplomatie saoudienne au cours de longues décennies ; (ii) il y a ensuite les arrangements intrafamiliaux qui doivent garantir des politiques de « consensus » dans la gestion des affaires stratégiques du royaume dans cette période critique de transition et de successions ; (iii) il y a enfin l’adhésion du prince Abdulaziz Ben Abdullah aux grandes lignes de la politique extérieure du royaume, que les divergences dans la perception immédiate des dossiers n’affectent pas vraiment.
Dans un premier temps donc, on doit s’attendre à une continuité lorsqu’il s’agit des grandes orientations stratégiques de la politique extérieure du royaume, et à un changement dans le style et l’approche des dossiers sensibles. C’est plus tard, lorsque le nouveau prochain MAE gagnera en liberté de manœuvre et en expérience qu’on cherchera des évolutions plus profondes dans la politique extérieure de Riyad.