L’assassinat du général Wissam el-Hassan ouvre la voie à toutes sortes de spéculations sur les commanditaires de cet acte terroriste, sur les exécutants et sur les motifs. Les pistes avancées par les analystes et autres experts pour le moins subjectifs sont nombreuses. MESP tente de les mettre en perspective, pour mieux comprendre le débat qui dépasse le seul cadre local libanais, en se référant aux argumentations avancées par les tenants de telle ou telle option.
1. La piste syrienne: Hypothèse: Hassan est un soutien déclaré à l’opposition syrienne et à sa composante armée. Sa contribution, active et opérationnelle, au retournement et à l’exfiltration de personnalités sunnites, aux opérations de transferts de combattants et de matériels au profit de l’ALS, etc., expliqueraient son élimination par le régime syrien.
2. La piste israélienne: Hassan a réussi à identifier et à arrêter plusieurs réseaux d’espionnage au profit d’Israël, y compris dans les rangs du Hezbollah et de la résistance anti-israélienne, et de la composante chrétienne du 8 Mars, le Courant Patriotique Libre. Il était aux premières lignes d’une guerre sans merci contre le Mossad et les autres services israéliens.
3. La piste iranienne: Hassan était perçu par les Iraniens et par les Pasdarans, actifs sur les scènes arabes et au Liban, comme un des pivots du dispositif de renseignement de l’Arabie saoudite, et un des relais de services hostiles, dont les services de renseignements du Qatar, de Turquie, des Etats-Unis, de France. Son élimination s’inscrirait, selon cette perception, dans le cadre du bras de fer entre l’Iran et l’axe qu’il représente d’une part, et l’Arabie saoudite et ses ramifications régionales et internationales.
4. La piste russe: Hassan se serait retrouvé, en s’engageant directement sur le front syrien, en confrontation directe avec les services russes très engagés, avec les services iraniens, dans la défense du régime syrien. La dimension internationale que pouvait prendre son action, au profit de l’Otan et de services occidentaux, à partir du Liban, en Syrie, en Jordanie ou en Turquie, aurait pu inquiéter les Russes, d’autant que la dimension sunnite djihadiste était visible dans l’action coordonnée par Hassan sur la scène syrienne.
5. La piste al-Qaëda: Hassan a réussi à démonter des réseaux terroristes liés à al-Qaëda qui s’implantaient au Liban, dans le nord du pays et dans certains camps palestiniens. Ses interventions contre al-Qaëda dépassaient la frontière libanaise, puisqu’on lui attribut une implication directe dans la lutte régionale (saoudienne) et internationale (y compris lorsqu’il a pu jouer les intermédiaires entre le régime syrien et des services occidentaux) contre al-Qaëda. Selon les tenants de cette option, Hassan aurait été sollicité directement par la CIA et des services occidentaux pour contenir la montée en puissance du djihad au nord-Liban à la lumière des expériences libyenne, yéménite et syrienne.
6. La piste du Hezbollah: D’aucuns tiennent à croire que le Hezbollah entend conserver le monopole de la sécurité et qu’il entend priver le camp sunnite de se doter de moyens militaires et sécuritaires conséquents à travers les SR des FSI et le général Hassan. Les tenants de cette logique n’excluent pas ici une dimension régionale, syrienne et iranienne.
MESP ne cautionne évidemment aucune de ces options ou pistes qui restent avant tout des spéculations motivées principalement par des considérations politiques subjectives. Mais, l’exercice mérite d’être fait, d’autant que le crime profite, à des degrés divers, à chacune des parties évoquées, même si celles-ci ne sont pas impliquées. L’exercice met en évidence surtout une probable conjonction d’intérêts et des motivations croisées entre divers acteurs locaux, régionaux et internationaux. Les faits confirment une extrême professionnalisation dans la planification et l’exécution, et une maîtrise parfaite du terrain. Les faits supposent aussi que cet assassinat s’intègre dans une vision politique ou géopolitique qui dépasse certainement le cadre libano-libanais et le cadre strictement sécuritaire. Un acte d’une telle ampleur et d’une telle portée pourrait avoir des implications sur les évolutions politiques, sécuritaires et géopolitiques, au Liban, en Syrie et au Proche-Orient.