Fadi Assaf.
Les détracteurs du Premier ministre libanais Najib Mikati, et ses opposants qui annoncent avec insistance son départ imminent du Grand Sérail, veulent absolument voir des signes complices dans la politique actuelle de la France. Sous le Président Jacques Chirac, et avec Rafic Hariri au pouvoir à Beyrouth, les relations franco-libanaises étaient, d’une certaine façon, toutes tracées. Bien cadrées, même en étant personnelles parfois et donc irrationnelles, ces relations respectaient les grands principes fondateurs des liens historiques entre la France et le Liban. Pas tout le temps, malheureusement, mais les contraintes politiques, internationales et régionales, justifiaient, le plus souvent, les concessions faites des deux côtés, et surtout du côté de la France, sur des questions de principe : souveraineté, droits des minorités, corruption, etc. Il y a toujours eu des imperfections dans les relations franco-libanaises, même si on peut “laisser faire” au nom de l’attachement à ces relations, des deux côtés… Sous le Président Nicolas Sarkozy, et avec toutes les évolutions profondes intervenues sur les scènes locales, française et libanaise, et sur les scènes régionale et internationale, les relations franco-libanaises évoluaient, forcément. Une évolution qui ne pouvait pas satisfaire, en permanence, toutes les parties libanaises, à la fois. C’est le cas aujourd’hui aussi, alors que chaque acteur politique libanais tient à avoir la France dans son propre camp, et va jusqu’à ignorer la globalité des relations franco-libanaises et leurs dimensions profondes, historiquement, culturellement, politiquement…
Un assassinat politique, aussi important soit-il, comme celui du chef des SR du Ministère de l’Intérieur le général Wissam al-Hassan, interlocuteur privilégié des autorités françaises dans le contexte sécuritaire actuel, ne pouvait être exploité pour tenter de provoquer un chambardement profond des rapports entre Paris et Beyrouth. Il était faux d’interpréter la visite éclair du Président français François Hollande, au lendemain de cet assassinat et sur sa route vers l’Arabie saoudite, et l’exclusivité qu’il a voulu accorder à son homologue Michel Slaiman, comme une invitation expresse à Mikati à se désister. La très brève rencontre, dans la cour du Roi Abdullah Ben Abdulaziz à Djeddah, entre le Président Hollande et l’ancien Premier ministre libanais Saad Hariri, est venue renforcer les suspiscions des anti-Mikati… Portés par leurs espoirs de renverser Mikati et le gouvernement du 8 Mars, le camp haririen a annoncé, trop hâtivement, l’annulation de la visite du PM à Paris le 17/11. Finalement, la visite, de trois jours, a été confirmée, ce qui n’empêche pas les plus engagés d’annoncer que le Président Hollande insistera à obtenir le départ de Mikati, à l’occasion de cette visite…
Patrice Paoli, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire à Beyrouth, fin connaisseur des subtilités libanaises, n’a pas bronché, poursuivant la préparation de la visite de travail du PM libanais à Paris. Il a fait le point avec Mikati, le 08/11, et passé en revue avec lui l’ordre du jour des discussions franco-libanaises du 17 au 19/11 : Paris 1-2, Finul, stabilité intérieure, crise syrienne, gaz offshore, aides militaires, etc. Patrice Paoli est un ambassadeur extraordinaire, dans un contexte tout sauf ordinaire… Les Libanais le comprendront vite, dans l’intérêt des deux pays. Cela devrait leur rappeler les constantes de la politique française à l’égard du Liban, et leur permettre, peut-être aussi, de mieux saisir les subtilités de la politique française à l’égard des Libanais…