LIBAN: Gaz: quelle éthique pour les contrats?

Fadi Assaf.

Au Liban, on a vu des Ambassadeurs étrangers faire preuve d’une dextérité diplomatique dans des conjonctures particulièrement critiques, d’une grande souplesse pour s’adapter à des mondanités si… libanaises,  d’une réelle détermination à proposer aux Libanais des parts essentielles de leur culture et de leur mode de vie. Des Ambassadeurs étrangers en poste à Beyrouth ont pu contribuer à dénouer des énigmes politiques des plus complexes, à influencer aussi par leurs compétences multiples, la vie culturelle, éducative, sportive, associative.

Petit pays au potentiel économique et commercial limité, le Liban reste un marché secondaire pour ses partenaires arabes et internationaux, d’autant que le risque-pays est souvent décourageant. Il y a eu quelques gros contrats au cours des vingt dernières années, celles de la reconstruction, qui ont profité aux amis traditionnels du Liban, et des Libanais, comme le renouvellement de la flotte d’avions de la Middle East Airlines par Airbus, les contrats de téléphonie mobile, d’infrastructures diverses. Il y a eu aussi de belles affaires, dans des secteurs particuliers comme la banque, l’hôtellerie et l’immobilier, qui ont pu concerner des partenaires occidentaux, et qui ont surtout profité à des milieux d’affaires arabes.

Le point commun entre ces divers contrats et affaires, qu’ils aient impliqué des partenaires internationaux ou arabes, et qu’ils soient strictement commerciaux ou intergouvernementaux même, semble être une personnalisation du système et un court-circuitage méthodique des plateformes officielles, sans parler du recours aux incontournables facilitateurs d’affaires. Ainsi, la présence au poste de Premier ministre d’un homme d’affaires de l’envergure de Rafic Hariri déclenchait toujours un mécanisme d’affaires “clé en mains” : le contrat de Bouygues à Solidere (centre-ville de Beyrouth) un contrat plus “Chiraco-Haririen” que franco-libanais, en est un exemple. Les relations internationales de Hariri profitaient au Liban, à une période où ce pays n’intéressait pas grand monde. Mais l’opacité pouvant accompagner le business qui va avec, devait desservir les Libanais. Aujourd’hui, alors que le Liban est promis, comme on ne cesse de l’annoncer aux Libanais, à un avenir économique prospère grâce à son potentiel gazier et pétrolier, on peut espérer tirer parti des relations politiques, d’affaires ou personnelles des responsables libanais afin de valoriser ce potentiel. Mais on doit surtout redouter que ce même manque de transparence observé lors des contrats publics au cours des deux dernières décennies, ne s’impose aujourd’hui, avec une redistribution partisane, clanique, et familiale, pour ne pas dire mafieuse, des concessions gazières puis des retombées financières attendues.

D’un point de vue administratif et légal, des initiatives laissent supposer une volonté de transparence chez les responsables politiques. Mais tout est dans la pratique… Sans revenir sur les circonstances et les modalités des nominations des membres de l’Autorité du secteur pétrolier, on doit accorder au Ministre de l’Energie et au gouvernement le bénéfice du doute et espérer, en même temps, que les exigences des partenaires extérieurs en matière de transparence et de lutte contre la corruption soient infaillibles. Un rôle insoupçonné que prendraient les Ambassadeurs des pays amis, ceux en tout cas qui figurent sur le haut de la liste des pays agissant contre la corruption sur les marchés internationaux, serait celui de pousser vers une plus grande vigilance à l’égard de cette problématique, les autorités politiques et judiciaires, les milieux d’affaires, les médias, et la société civile.

En poussant les intérêts de leurs sociétés, comme l’a si bien fait ces derniers jours l’Ambassadeur de Grande-Bretagne Tom Fletcher avec le soutien de poids de son Ministre des affaires étrangères William Hague en déplacement à Beyrouth, les diplomates étrangers, encore une fois ceux dont les pays occupent une place honorable sur la liste des pays luttant contre la corruption, peuvent aussi pousser vers un assainissement de l’environnement des affaires au Liban, dans le secteur prometteur du gaz et du pétrole notamment. En se réappropriant le rôle de VRP pour défendre les intérêts économiques et commerciaux de leur pays, un rôle qu’ils auraient pu délaisser ces quelques dernières années par manque d’opportunités conséquentes, les diplomates étrangers, activement impliqués dans le business gazier et pétrolier au Liban, peuvent aussi servir les intérêts de leur pays d’accueil en contribuant à la promotion d’une authentique éthique des affaires et d’une gouvernance seine des affaires publiques. Diplomatiquement, sans ingérences dans les affaires libanaises, et dans l’intérêt des deux parties.

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