Moyen-Orient – France: Diplomatie économique et renseignements

Le Ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius annonce l’intégration de la dimension économique dans la mission fondamentale des Ambassadeurs de France à l’étranger. Pourtant, la prospection des marchés et l’identification des opportunités, les évaluations du risque-pays, le soutien aux entreprises françaises et leur accompagnement de manière générale, sont des missions entendues des chancelleries, des Ambassadeurs et de leurs équipes commerciales (Postes d’Expansion Economique, en coopération avec de multiples groupements d’affaires, de réseaux et de sociétés spécialisées: MEDEF International, UBI France, ADIT, etc.). Maintenant, un objectif quantifié, et ambitieux, leur est fixé : contribuer activement à l’augmentation des exportations françaises, pour que soit atteint l’équilibre de la balance commerciale, hors énergies, en 2017. Une piqûre de rappel en ces temps de crise, une responsabilisation supplémentaire.

Hasard du calendrier politique et administratif, un diplomate, Bernard Bajolet, devient chef de la Direction Générale de la Sécurité Extérieure, alors que le Ministre des Affaires étrangères engageait ses troupes dans un domaine qui couvre aussi bien la diplomatie que le renseignement. Bajolet, un arabisant fin connaisseur du monde arabe et islamique, devient chef des Services secrets français, alors que le monde arabe et islamique qu’il connaît le mieux déborde d’instabilité et de violence. Le terrorisme islamiste est au coeur de ses préoccupations naturellement, et le monitoring du djihad global et de ses points d’ancrage et bases arrières à travers le monde arabo-musulman est son travail quotidien. Mais ses services, au croisement de la diplomatie grise et de l’Intelligence économique, auraient une contribution directe à faire pour permettre que soit atteint l’objectif 2017 tel qu’annoncé par Laurent Fabius. C’est d’autant plus cohérent, que le nouveau chef des services français pratique une région qui déborde, aussi, de pétrodollars à recycler.

En dépit de nombreux efforts, et malgré la multiplication des missions et des organismes qui lui sont dédiés, l’Intelligence Economique à la française souffre de l’absence d’une véritable plateforme d’échanges qui mettrait en commun des moyens opérationnels et qui permettrait une coordination pertinente des stratégies d’actions au service des entreprises françaises. Il s’agit avant tout de mettre au service de l’économie nationale et donc au service des entreprises privées et publiques, un savoir-faire et des technicités, et même aussi des technologies, que les services de renseignements maîtrisent. Il s’agit aussi de mettre au service des entreprises les moyens d’influence que possèdent les réseaux diplomatiques français à l’étranger. Une pratique normale chez les Américains qui mettent au service de leurs exportateurs les moyens de leurs organismes de renseignements et le poids et l’influence de leurs représentations diplomatiques.

Décloisonner l’administration est, certes, une entreprise complexe, longue, et essentiellement politique. Mais, jeter des ponts et créer de réelles synergies entre des services spécifiques est indispensable lorsqu’on doit repenser sa stratégie de soutien aux entreprises françaises sur les marchés étrangers porteurs, comme ceux du Moyen-Orient, et favoriser l’émergence d’une Intelligence Economique cohérente et proactive. L’annonce de “l’objectif 2017” devrait amener à lever certains tabous qui entravent l’installation d’une véritable “diplomatie économique” qui couple, de manière opérationnelle, l’action diplomatique et le renseignement économique. Le couple MAE-DGSE pourrait y contribuer.

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