Syrie: Eliminer l’arsenal chimique avant Genève-2: de gré ou de force

Le Président syrien Bachar el-Assad affirme n’être pas impliqué, personnellement, dans l’attaque chimique contre des civils à Ghouta. Cela n’est pas impossible. L’armement chimique semble, dans ce cas précis et celui de la guerre civile syrienne, un armement tactique dont l’emploi, limité, relèverait de la seule appréciation des militaires, sous l’autorité du pouvoir politique. Bachar el-Assad est, certes, le commandant en chef des forces armées, et, à ce titre, il est l’ultime donneur d’ordre. Pourtant, une nuance doit être relevée, même si, selon notre appréciation, elle n’exclut pas la responsabilité du régime syrien en tant que pouvoir politique et hiérarchie militaire. Cette nuance réside dans la conception même de l’armement chimique développé par Damas : il s’agit d’un armement stratégique visant à restaurer un minimum d’équilibre face à la supériorité écrasante de l’arsenal conventionnel et surtout non conventionnel d’Israël.

A l’instar des missiles Scud notamment, et des organisations armées agissant sous les ordres de Damas, l’armement chimique possède une dimension stratégique face à Israël notamment. La différence avec le reste des moyens militaires dont dispose la Syrie réside dans le concept du non emploi de l’armement chimique face à Israël, et dans son utilisation comme moyen de dissuasion. Sur un plan tactique, et aussi impensable que cela puisse-t-il paraître vu de l’extérieur, le régime syrien n’exclut pas l’emploi de “bombinettes” chimiques dans des opérations militaires, comme dans le cadre d’une guerre totale contre le terrorisme soutenue par une agression extérieure globale.

Damas, qui entretient savamment la rhétorique de la guerre contre le terrorisme fondamentaliste et contre le djihad global sur son sol, est dans une logique de guerre qui ne l’empêcherait pas d’utiliser, tactiquement, l’arsenal chimique contre “l’ennemi de l’intérieur”. Cyniquement, on pourrait dire que tout est dans le dosage. En effet, l’arme chimique semble avoir été employée dans la guerre syrienne à plusieurs reprises, et probablement par le régime et par des groupes djihadistes, de manière “tactique”, entendre selon le “bon dosage”. C’est l’emploi, par les forces du régime, du gaz sarin à des doses excessives, à Ghouta, et dans un contexte régional et international particulier, qui semble avoir bouleversé la donne. Tout ne serait pas perdu, pour le régime?

Le 09/09, le Secrétaire d’Etat américain John Kerry, propose au régime syrien, en plein bras de fer autour de la frappe militaire attendue contre Damas, de livrer son arsenal chimique dans un délai d’une semaine à la communauté internationale pour espérer éviter l’escalade militaire… Sans spéculer sur la probabilité ou l’envergure d’une frappe franco-américaine contre la Syrie, une telle proposition de John Kerry porte un message clair sur la détermination de la communauté internationale à priver Damas, avec ou sans Bachar el-Assad, de son arsenal stratégique et de son armement chimique dans ce cas. Une telle proposition, si elle est acceptée par Damas qui renoncerait ainsi à une de ses principales capacités de dissuasion face à Israël et à ses ennemis régionaux, signifierait des délais plus ou moins longs en vue d’organiser le processus de transfert des armes chimiques, et donc, une hausse des chances d’une conférence de paix à Genève…

Pour l’instant, c’est l’hypothèse d’une frappe extérieure contre la Syrie et d’une escalade générale qui semble prévaloir toujours. Mais il n’est pas inutile d’espérer un déblocage de la situation grâce au … gaz sarin. Et au prix de centaines de morts à Ghouta… Avec ou sans frappes extérieures, il semble que la priorité soit à l’élimination de l’armement chimique de la Syrie, avant l’éventuelle conférence de Genève-2…

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