Syrie: En mettant la pression sur Rifaat el-Assad, Paris fait un (petit) cadeau au régime

Rifaat el-Assad, frère de l’ex-Président syrien Hafez el-Assad et ex-vice Président, vit en exil en Europe où il a investi dans l’immobilier, à Marbella, Paris et Londres. Lui et ses fils, dont Ribal el-Assad, n’ont jamais désespéré d’être appelés à un rôle politique en Syrie, misant sur leurs bonnes relations saoudiennes et européennes. Comme eux, il y a notamment Abdel-Halim Khaddam, ex-vice Président, exilé à Paris, et bénéficiant d’un fort appui saoudien, et les Tlass, dont l’ex-Ministre de la Défense Moustapha et son fils le général Manaf Tlass qui a lâché son ami d’enfance Bachar el-Assad pour retrouver sa famille en France. En France aussi résident de nombreux prétendants à des rôles de premier plan dans la succession du régime Assad, notamment des intellectuels et des universitaires, hommes et femmes, toutes confessions et ethnies confondues.

La France, sous Nicolas Sarkozy puis sous François Hollande, pensait capitaliser sur cet attrait qu’exerce Paris sur les opposants, anciens et nouveaux, de Bachar el-Assad, pour occuper les devants de la scène syrienne et avoir son mot à dire dans la Syrie de demain. Les Français ont misé aussi sur leurs relations, solides mais toujours sous pression, avec les pétromonarchies arabes du Golfe, la Jordanie et la Turquie, pour espérer garantir une place de choix dans le tour de table post-Assad. Ils ont choisi d’appuyer les organes officiels de l’Opposition syrienne, par divers moyens, diplomatique, médiatique, logistique, humanitaire et même militaire. La France est allée jusqu’à s’embarquer dans une aventure militaire, finalement avortée, contre la Syrie, avant de se retrouver contrainte, à la suite d’arrangements russo-américains et suite à l’ouverture irano-américaine, de réévaluer l’ensemble de ses positions sur la zone. Quid de la pression mise aujourd’hui sur Rifaat el-Assad?

L’intérêt porté par les autorités et les médias français à la fortune de Rifaat el-Assad en Europe et à Paris serait-il le fait d’une pure coïncidence? Ou résulterait-il d’une volonté politique française de maintenir, de cette autre façon, la pression sur les Assad? La France se trompe-t-elle à nouveau en visant l’oncle-ennemi du Président Bachar el-Assad, ce même Rifaat el-Assad qui se tenait en réserve de la république pour jouer un rôle transitoire en Syrie? Rifaat el-Assad devrait, si les procédures françaises étaient poursuivies jusqu’à leur terme, dévoiler ses réseaux de financement et ses soutiens politico-économiques, y compris ses amitiés arabes du Golfe et syro-libanaises. Corrompu par l’argent, celui détourné des fonds publics sous Hafez el-Assad et celui obtenu dans le cadre de la promotion de son projet politique alternatif, Rifaat, dont le nom reste à jamais lié aux massacres anti-sunnites de Hamah, en serait encore plus discrédité. Cela profiterait forcément à ses concurrents et aux concurrents de ses fils et de leur clan. Cela profiterait donc à Bachar el-Assad.

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