Liban: Les municipales pousseront-elles Hariri au compromis sur la Présidence?


Alors que se terminait le dernier round des élections municipales (29/05), de nouvelles rumeurs sont lancées (al-Joumhouria, 30/05) sur des dangers sécuritaires imminents à travers le pays. La tenue des élections municipales aura démonté les prétextes les plus surexploités pour justifier le refus d’organiser des élections législatives, à savoir les prétextes sécuritaires. Indépendamment de la véracité des nouvelles mises en garde contre de possibles attentats, que Daech préparerait contre des régions sensibles (zones chrétiennes et chiites), il est prudent de reconnaître que le risque de déstabilisation générale du Liban est réel, à tout moment. Le risque d’une guerre israélienne est lui aussi réel, comme le risque d’une implosion du camp palestinien d’Aïn el-Héloué aujourd’hui contrôlé pratiquement par les factions les plus radicales de l’islam militant, ou encore le risque de tensions liées au fardeau de la présence massive de réfugiés syriens. Mais, derrière ces nouvelles mises en garde, qui risquent de se multiplier, ou même de se concrétiser, on ne peut s’empêcher de voir une volonté politique de garder une carte, un joker, pour espérer continuer à justifier indéfiniment la décision de ne pas renouveler le Parlement. Ce serait une des premières leçons qu’on peut tirer, à chaud, des élections municipales. D’ailleurs, le résultat de ces élections, municipales, expliquerait aussi cette hésitation persistante chez les uns et les autres à finalement accepter la tenue d’élections législatives…

Dans cette note de 2.851 mots, MESP tente de (i) tirer les premières leçons des élections municipales, sur le plan national, en s’intéressant à une série d’indices parlants :

  • Chrétiens : L’alliance Forces Libanaises (Geagea) – Courant Patriotique Libre (Aoun), conclue sur une base politique nationale et chrétienne, a perdu souvent de sa dimension « nationale » au profit de dimensions « locales ». Cette alliance, qui impactera forcément les élections législatives si elle se maintenait, a fonctionné dans certains cas et pas dans d’autres.
  • Chiites : Malgré quelques mouvements d’humeur, le duo Hezbollah – Amal conforte sa mainmise sur les bases, en dépit (et peut-être aussi grâce) aux pertes encourues en Syrie. Les pressions grandissantes que vit la rue chiite, très concernée aussi par les évolutions régionales (Syrie, Irak, Yémen, bras de fer avec l’Arabie saoudite, menaces israéliennes), s’avèrent « unificatrices » et tolèrent peu d’écarts de la part de contestataires (communistes, ex-féodaux, etc.).
  • Druzes : Malgré un discours officiel particulièrement ouvert à la Démocratie, le Parti Progressiste Socialiste et son chef Walid Joumblatt ont fait preuve, une nouvelle fois, d’un degré avancé de « schizophrénie démocratique » … Dans leurs fiefs respectifs, les féodaux Joumblatt et Talal Arslane auront profité d’enjeux locaux pour faire jouer le réflexe communautaire…
  • Sunnites : Dans le camp sunnite, plusieurs leçons seront tirées de ce rendez-vous :

o   Désaffection chrétienne vis-à-vis du Courant du Futur et de l’ancien Premier ministre Saad Hariri.

o   Effritement du leadership haririen sur le double plan sunnite et national.

o   Redistribution des cartes au sein de la communauté sunnite.

  • Société civile :  Quant à la société civile, et malgré son dynamisme et ses promesses de changement, son impact reste, encore aujourd’hui et dans le contexte politique et législatif actuel, très limité.

Dans cette note réservée à ses clients, MESP cherche à (ii) évaluer l’impact des leçons tirées des urnes sur les prochains rendez-vous nationaux : l’élection présidentielle et le renouvellement du Parlement. MESP en déduit que

  • Saad Hariri, qui a accumulé les indélicatesses politiques à l’égard de ses propres alliés, ne peut plus imposer son diktat au sein de son propre camp et aux autres composantes libanaises notamment les Chrétiens, aussi facilement qu’auparavant, et cela même en cas d’une alliance sunnite plus large (Hariri-Mikati).
  • Seul un arrangement avec le camp chiite, qui lui dépend naturellement des évolutions régionales et des rapports saoudo-iraniens, sauverait Hariri de ce dilemme, même s’il se ferait, éventuellement, au détriment des Chrétiens…
  • Ce qui semble pour le moment accessible à Hariri, et derrière lui l’Arabie saoudite (sans parler d’une France qui semble déboussolée sur le dossier présidentiel libanais), ce serait plutôt un arrangement avec le général Michel Aoun (allié désormais avec Samir Geagea), sur la Présidence et la loi électorale.
  • A défaut d’un tel arrangement entre Hariri (qui doit admettre que le choix du député Sleiman Frangieh comme candidat, un choix adossé par le Président français François Hollande, lui a déjà énormément coûté sur le plan politique interne) et Aoun, on devrait redouter des tensions politiques susceptibles de créer un contexte général favorable à une déstabilisation sécuritaire.
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