Iran : Jusqu’où irait le Président Emmanuel Macron ?


Publié dans le numéro 54 de la LettreM.

En pleine guerre des tankers, la diplomatie française reste mobilisée pour maintenir ouverts les canaux de communication avec l’Iran. Les contacts se poursuivent entre Paris et Téhéran au plus haut niveau, au moment où les dirigeants iraniens risquent de perdre leurs interlocuteurs sur la scène internationale. La visite le 23 juillet à Paris du vice-Ministre pour les affaires politiques du Ministère iranien des Affaires étrangères Seyed Abbas Araghchi confirme l’attachement des deux parties à poursuivre l’initiative française telle que convenue lors des visites à Téhéran du Conseiller diplomatique de la Présidence française Emmanuel Bonne. Porteur d’un message écrit du Président Hassan Rouhani au Président Emmanuel Macron, Araghchi a été reçu à l’Elysée par le sherpa du Président. Il a été reçu également au Quai d’Orsay par Jean-Yves Le Drian.

Alors qu’elle pressait l’Iran à faire quelque geste avant la nouvelle réunion extraordinaire de la commission conjointe de l’accord sur le nucléaire iranien le 28 juillet à Vienne, la France ne pouvait, face aux périls sécuritaires dans les eaux du Golfe arabo-persique, qu’appuyer l’idée d’une mission d’observation européenne pour y assurer la sécurité maritime. Le Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian l’a fait savoir à l’émissaire iranien à Paris et auquel il a été rappelé, selon le communiqué du Quai d’Orsay, que la France « attend de l’Iran qu’il revienne rapidement en conformité avec ses engagements au titre de l’accord de Vienne et qu’il fasse les gestes nécessaires pour engager l’indispensable désescalade ».

Les Iraniens, qui attendent de la nouvelle réunion à Vienne des mesures plus consistantes pour leur permettre de surmonter les effets des sanctions américaines, s’accrochent plus que jamais aujourd’hui à l’initiative du Président Macron lancée dans un contexte particulièrement risqué pour la diplomatie française et dans un contexte d’isolement avancé de l’Iran. Ils s’opposent naturellement à l’élargissement de la présence militaire occidentale dans le Golfe, et donc, aux projets de mission navale proposés l’un par les Etats-Unis et l’autre par la Grande-Bretagne auquel s’associeraient des pays européens dont la France. Ils savent l’attachement de la France, à ce stade, à une telle mission qu’elle ne peut laisser aux seuls Américains ou aux seuls Britanniques. Les alliances et partenariats de la France dans le Golfe l’engagent à s’y associer d’ailleurs. Les Iraniens le savent donc et le comprennent, mais ils pensent disposer sur ce dossier d’une marge de négociation ou de troc avec les Français. Prudents, les Français refusent les amalgames autour du projet européen et multiplient les messages rassurants en direction des Iraniens :

« Les discussions sont en cours. Nous avons tous des moyens sur place. Il ne s’agit pas de les renforcer mais de coordonner nos moyens et partager nos informations (…) Nous travaillons à nous organiser entre Européens, mais une chose est sûre : notre comportement ne devra avoir qu’un seul objectif, faire baisser les tensions actuelles et défendre nos intérêts. Nous ne voulons pas contribuer à une force qui pourrait être perçue comme aggravant les tensions » Florence Parly, Ministre des Armées, 24 juillet 2019.

L’abandon du projet d’une coalition maritime pour la sécurité du Golfe n’est envisageable que dans le contexte d’un apaisement durable avec l’Iran, et d’une désescalade réelle sur le dossier du nucléaire et des sanctions. Les Français maintiendront donc leur soutien à l’initiative britannique qui, tout en étant indépendante de l’initiative américaine, répond pratiquement aux mêmes préoccupations sécuritaires, en attendant un éventuel retournement de situation. Les Iraniens s’y opposeront naturellement, comme ils s’opposent à la présence militaire étrangère dans le Golfe de manière générale. Ce serait un élément de tension entre les Européens et Téhéran, non négociable, encore aujourd’hui.

Jusqu’où irait Macron ?

Rouhani, qui ajuste sa montre à celle du calendrier politique américain, mise sur un gros coup avec son homologue français, pendant ce temps mort : l’amener à visiter Téhéran en cas de progrès sur le dossier des sanctions. Pour Emmanuel Macron, la visite de Téhéran n’est pas exclue. Au contraire, elle serait même opportune. Il lui faudrait cependant une contrepartie iranienne directe, ou plusieurs d’ailleurs, avec en prime la libération de Fadela Adelkhah. A moins d’être très vite court-circuité par… l’administration Trump.

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