Syrie : entre « irakisation » et « libanisation »

Par Fadi Assaf.

Le scénario est, malheureusement, classique. Un régime autoritaire et dictatorial bénéficie, grâce à des arrangements régionaux et internationaux provisoires et durables, d’une espérance de vie inespérée. Jusqu’au moment où le grain de sable tant redouté ou tant désiré, c’est selon, vient enrayer le système. Brusquement, tout s’effondre. Le régime se fragilise, mais fait de la résistance. C’est à partir de là où tous les scénarios ne se ressemblent plus. Une dynamique propre à chaque cas impose un tempo particulier et définit des règles du jeu spécifiques.

En Syrie, le régime baasiste laïc alaouite minoritaire et dictatorial a bénéficié, des décennies durant, d’une convergence de facteurs particulièrement favorables à son maintien et à son renouvellement dans une continuité déconcertante. Aujourd’hui, le grain de sable fait son effet, et bloque la machine, entraînant une remise en cause profonde de la légitimité du régime, sur fond de révolutions arabes et de renaissance religieuse. Subitement, tout s’effondre autour du système Assad qui perd ses moyens. Tout, sauf, encore aujourd’hui, son appareil sécuritaire et militaire. Il fait donc de la résistance, et se retrouve à un croisement de voies, dans l’espoir, pour lui, d’imposer une dynamique favorable à son maintien.

Contrairement aux autres régimes arabes qui l’ont précédé dans une chute rapide, le régime syrien refuse de lâcher prise, misant sur au moins trois facteurs : son dispositif sécuritaire et militaire puisque le noyau dur du régime a le monopole de la sécurité et de la défense ; un réflexe minoritaire qui le conforte dans une légitimité clanique, confessionnelle, voire même socioculturelle ; l’émergence d’enjeux géopolitiques régionaux et internationaux inespérés et qui lui garantissent, même provisoirement, un répit sur le front extérieur.

Le scénario commençait dans un classique on ne peut plus répétitif, façon « printemps arabe » : contestations populaires, répressions, Conseil national, relais extérieurs et soutiens arabes et internationaux, etc. Il est « revu et corrigé » par le régime qui bénéficie d’un parapluie protecteur. C’est là qu’un élément, attendu, entre en jeu : al-Qaëda. Aujourd’hui, on évoque le risque d’une « irakisation » de la Syrie, avec l’ouverture de la scène syrienne au djihad international.

Le risque est bien réel, et les attentats les plus meurtriers, qui sont le fait de kamikazes pour la plupart, confirment cette tendance, malgré les réserves émises çà et là sur le risque d’une manipulation des djihadistes par le régime lui-même. Mais le risque le plus important paraît être une « libanisation » du conflit syrien, c’est-à-dire une évolution du conflit vers un bras de fer « d’endurance » où tout le monde sortira perdant à la fin. Faute d’un règlement rapide en Syrie, à la tunisienne ou même à l’égyptienne, et à défaut d’un règlement militaire à la libyenne, la région pourra-t-elle supporter un lent et dangereux pourrissement dans ce pays-pivot, à la yéménite, à l’irakienne ou à l’afghane ?

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