Syrie: L’arme chimique consolide le front anti-Assad: une aubaine pour Riyad

Le renversement de Bachar el-Assad est une priorité absolue pour l’Arabie saoudite, et pour le prince Bandar Ben Sultan Ben Abdulaziz, chef de la Saudi Intelligence Agency et SG du National Security Council. Cet objectif, saoudien, s’inscrit dans le cadre de la contre-offensive menée par Riyad, sous l’impulsion de Bandar Ben Sultan et du Ministre des Affaires étrangères le prince Saoud el-Fayçal, pour contrer l’impérialisme irano-chiite qu’ils ont érigé aux premiers rangs des dangers stratégiques qui menacent la place et le rôle de l’Arabie saoudite dans le monde arabo-musulman et sur la double scène régionale et internationale.

L’élection du Président Hassan Rouhani, avec l’inévitable bénédiction du guide suprême l’ayatollah Khamenai, atténue la tension entre Téhéran et son entourage et entre la république islamique et la communauté internationale. Cette évolution, positive pour l’Iran, inquiète cependant les dirigeants saoudiens, en particulier les faucons des Al Saoud, qui redoutent toujours, avec ou sans un Rouhani à Téhéran, les ambitions géopolitiques iraniennes, immuables à leurs yeux. Les signaux positifs, échangés entre Téhéran et Washington, sont une évolution dangereuse pour Riyad qui se place, encore aujourd’hui et certainement pour longtemps encore, en tant que rival religieux et géopolitique de l’Iran, perse et chiite.

Grâce au jeu du pouvoir à Riyad et grâce à ses amitiés américaines, Bandar Ben Sultan Ben Abdulaziz, a repris en main plusieurs dossiers vitaux pour la famille royale, dont la lutte contre l’influence des Frères Musulmans, autre menace stratégique pour l’Arabie saoudite, et, bien évidemment, la lutte contre la progression irano-chiite dans le Golfe et dans le Monde arabe.

Le renversement du Président égyptien Mohammad Morsi, élu démocratiquement, et le maintien d’une pression durable sur les Frères Musulmans, constituent une des facettes visibles de cette action contre l’organisation radicale sunnite concurrente. En Egypte, les Saoudiens, et avec eux les Emiratis et les Koweïtiens, se retrouvent face à leurs alliés américains, opposés pour le principe à la destitution d’un président élu, et face à d’autres alliés arabes et régionaux, notamment le Qatar devenu, par opportunisme, un soutien traditionnel des Frères Musulmans, et la Turquie qui ne cesse d’exiger le retour de Mohammad Morsi. Les Saoudiens et les Emiratis, très ouvertement engagés contre les Frères Musulmans également chez eux et sur la Péninsule arabique, sont ensemble face à l’influence iranienne dans le monde arabe. L’Arabie saoudite, de par son poids et son rôle islamique et arabe, éclipse, et soulage, Abu Dhabi, en s’engageant franchement contre l’Iran au Yémen, à Bahreïn, en Irak, en Syrie, au Liban et sur la scène palestinienne. Les Emiratis ont un rôle d’appoint, dont ils se satisfont, sur l’ensemble de ces scènes. Quant au Qatar, qui vit des évolutions internes suffisamment délicates pour renoncer, provisoirement, à de nouvelles prises de risques sur le plan régional, sa défense des Frères Musulmans en Egypte ramollit, tout comme son engagement direct contre l’Iran. La Turquie, enfin, soutient donc la restauration du régime des Frères Musulmans au Caire, contre la volonté saoudienne et émiratie, et soutient aussi le renversement du régime baasiste alaouite pro-iranien de Bachar el-Assad en Syrie et son remplacement par un pouvoir dominé par les Frères Musulmans, en harmonie avec les souhaits qataris. En Syrie, les Turcs sont contre Bachar el-Assad, avec les Saoudiens, et pour les Frères Musulmans, contre les Saoudiens. Le jeu dépasse les Abu Dhabiens qui semblent de plus en plus réservés en Syrie, par crainte de l’arrivée des Frères Musulmans au pouvoir, jusqu’à hésiter même à soutenir, désormais, le renversement rapide de Bachar el-Assad…

En Syrie donc, Bandar Ben Sultan est contre Bachar el-Assad, dans le but d’affaiblir l’empire irano-chiite et de reconquérir les terrains cédés au Levant devant les Iraniens. Mais il est aussi contre les Frères Musulmans que soutiennent les Turcs et les Qataris. Anticipant des divergences évidentes sur la Syrie avec des acteurs régionaux qui comptent, y compris aussi Israël qui doit s’inquiéter dans le fond d’une déstabilisation violente de son front nord, Bandar Ben Sultan a choisi d’accélérer le tempo, de neutraliser les adversaires et de marginaliser les plus hésitants parmi ses alliés arabes. Surtout, il a décidé d’engager avec lui ses alliés américains, ses amis européens et de solliciter même les alliés de son ennemi syrien, les Russes. Les choses devaient s’accélérer afin d’imposer des faits accomplis, à l’ennemi et aux adversaires, mais aussi surtout aux alliés et amis. Pour cela, il fallait un grand évènement. L’entrée en scène de l’arme chimique aura fait son effet.

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