Liban: Risques (sécuritaires) réels et faux espoirs (politiques)?

Deux semaines après les agressions contre l’Armée libanaise aux entrées de Saïda, les autorités annoncent aujourd’hui (01/01/14) l’arrestation par les services de renseignements militaires d’un haut cadre d’al-Qaëda au Liban et au Levant : le Saoudien Majed al-Majed, émir des Brigades Abdullah Azzam au Levant. Un lien est établi entre ces agressions et l’arrestation de ce gros poisson d’al-Qaëda, condamné à la prison à vie au Liban et activement recherché par les autorités saoudiennes.

Selon des sources journalistiques, Majed, qui aurait été arrêté par la direction du renseignement de l’Armée libanaise une semaine plus tôt, tentait de sortir de Saïda (Aïn el-Héloué) pour rejoindre la Syrie, après une halte (sous une fausse identité) dans l’hôpital de Maqassed à Beyrouth (où il aurait été interpellé). Pour certains, sa présence au Liban confirme les efforts d’al-Qaëda visant à ouvrir le front libanais (il serait personnellement derrière le double attentat-suicide contre l’Ambassade d’Iran, revendiqué par Kataeb Abdullah Azzam). Pour d’autres, son hospitalisation à Beyrouth confirme, au contraire, que le Liban reste encore aujourd’hui une base-arrière pour les djihadistes, une base logistique pas plus.
Pourtant, les djihadistes engagés en Syrie continuent d’affluer vers le Liban : vers Arsal où ils sont pourchassés par l’Armée syrienne (dont les hélicoptères ont essuyé des tirs de l’Armée libanaise), et vers Tripoli (où des sources journalistiques rapportent la présence d’éléments étrangers : Afghans et Arabes du Golfe). On signale aussi une concentration d’éléments suspects à Beyrouth, à Tariq Jdidé (fief sunnite, où vit une importante communauté libano-palestinienne), non loin de la banlieue sud de Beyrouth (fief du Hezbollah).

L’Armée libanaise, qui vient de bénéficier d’une aide franco-saoudienne consistante et qui continue de recevoir des aides américaines et britanniques (y compris du matériel livré à l’aéroport de Rayak, autre fief du Hezbollah dans la Béqaa), s’engage dans une vaste opération anti-terroriste, sans oublier de manifester des signes de souveraineté vis à vis d’Israël et vis à vis maintenant de la Syrie (les incidents se multiplient aux frontières). Elle doit contenir les tensions communautaires croissantes, alors que les attentats se poursuivent, visant des personnalités politiques ou sécuritaires des deux camps.

En l’absence d’arrangements saoudo-iraniens, même limités au seul Liban, on doit s’attendre à de nouveaux attentats et à des tensions toujours plus grandes (l’Ambassade des Etats-Unis émet une nouvelle mise en garde pour les prochaines semaines). Pour espérer y voir plus clair, on doit suivre de près la question du gouvernement : une annonce unilatérale de la part du Président Michel Slaiman et du Premier ministre désigné Tammam Salam, pour la constitution d’un gouvernement excluant le camp du 8 Mars et qui sera boycotté par le Hezbollah et ses alliés, serait le signe d’un non accord saoudo-iranien; la constitution d’un gouvernement “toléré” par le 8 Mars, laisserait supposer un arrangement saoudo-iranien en cours.

La France, qui fait un forcing au Liban à divers niveaux (aides militaires, etc.), travaille pour imposer le respect des échéances constitutionnelles avec l’élection d’un nouveau Président en mai prochain. Si elle arrive à tempérer les positions de son allié saoudien sur le dossier libanais (le camp des “faucons” saoudiens continue de rejeter des compromis avec Téhéran), il lui faudrait alors convaincre le camp adverse de tendre la main aux Saoudiens pour éviter l’effondrement général de la situation au Liban (le contact est établi entre Paris et le Hezbollah, mais tout se joue à Téhéran où les “faucons” des Pasdarans sont eux aussi en embuscades…). Paris pense pouvoir jouer ce rôle de go-between au Liban. Elle a Riyad à ses côtés, et doit pouvoir engager un dialogue utile avec Téhéran. Un second rôle, par rapport à celui joué par Washington et Moscou sur le plan régional, mais un second rôle qui pourrait permettre une stabilisation, provisoire et en attendant le temps des grands accords, de la scène, secondaire, du Liban.

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