MOAN – France: Repenser les priorités françaises dans un cadre stratégique global


Dans un rapport rendu public en mars 2017, consacré à la région du Moyen-Orient d’Afrique du Nord, un groupe de réflexion parisien baptisé Le Groupe Avicenne rappelle aux candidats à l’élection présidentielle l’importance que le prochain locataire de l’Elysée doit accorder à cette zone dans sa politique étrangère et sa politique de sécurité nationale. « Maghreb Moyen-Orient : Une priorité de politique étrangère pour la France » propose aux candidats et aux électeurs une présentation objective, quoique sommaire par moment et parfois même bâclée, du contexte géopolitique actuel dans la région MOAN, et tente d’en anticiper les évolutions futures.

Le rapport, qui évite par ailleurs de faire assumer aux gouvernements français successifs (que certains des auteurs servaient fidèlement) des erreurs d’appréciation et certains mauvais choix aux conséquences désastreuses pour la France et les Français, fait une série de propositions, assez classiques dans le lexique diplomatique français, mais qui ouvrent un débat prometteur et, en tout cas, utile [En 2007 déjà, Le Groupe Avicenne publiait un rapport sur la région Maghreb Moyen-Orient, destiné au futur Président : “Maghreb Moyen-Orient: Contribution pour une politique volontariste de la France”].

MESP a organisé une table ronde interne pour évaluer ce travail louable (les clients de MESP peuvent demander la synthèse des débats), et considère que le principal mérite d’une telle initiative est de tenter de redonner à la politique étrangère et moyen-orientale sa place dans le débat électoral. Car, en effet, la politique étrangère occupe, traditionnellement, une part relativement réduite dans ce débat qui doit répondre, avant tout, aux préoccupations immédiates des électeurs. Les bouleversements actuels qui secouent la région MOAN et leurs implications directes sur la France, ses intérêts, et sur le bien-être des citoyens-électeurs, ne permettent plus d’esquiver cette dimension internationale et moyen-orientale jusqu’à parfois la marginaliser dans les programmes présidentiels. Les candidats le savent bien, et recentrent leurs discours électoraux en fonction, aussi, de cet élément extérieur qui s’impose dans la vie nationale jusqu’à devenir partie prenante des enjeux politiques internes qu’ils soient sociaux, économiques, sécuritaires.

Certes, le poids de la politique étrangère dans les urnes reste relatif. Mais cela a tendance à évoluer, d’autant que l’électeur prend conscience de l’impact direct ou indirect que peuvent avoir sur ses intérêts des décisions de politique étrangère, y compris lorsqu’il s’agit de la région MOAN. Cela n’a jamais été aussi visible et concret que dans le contexte actuel particulièrement volatile et instable et donc dangereux et risqué pour la France et les Français.

Cependant, il ne suffit plus de connaître les grandes orientations de la politique étrangère des candidats pour faire un choix qui affecterait directement ou indirectement les intérêts nationaux et le bien-être des Français. D’ailleurs, en matière de politique moyen-orientale, on est presque surpris, parfois, de l’absence d’une vraie politique, cohérente et assumée, chez les candidats. Ceux-là se contentent, en effet, de réagir à des situations données ce qui, il faut le dire, peut suffire à bien des électeurs… Il est impératif de présenter les choix politiques des candidats (sur la Syrie par exemple, ou sur la lutte contre le terrorisme islamique, etc.), leurs impacts (y compris sur la France, ses intérêts économiques, ses relations moyen-orientales et internationales, etc.), et de proposer aux électeurs une analyse comparative qui tiendrait compte de leurs préoccupations essentielles. Le rapport d’Avicenne échappe à cet exercice, en occultant les positions des principaux candidats, et leurs politiques s’il y en avait, sur les dossiers qui affectent le plus, directement et indirectement, la France et ses intérêts, et qui doivent donc concerner les électeurs avertis.

Il ne suffit pas non plus de faire un état des lieux de la situation dans les zones qui affectent les intérêts de la France, en l’occurrence la zone MOAN ici. Le prochain Président de la république disposera d’un tableau de bord assez complet pour s’informer en permanence des évolutions régionales et des enjeux. Les difficultés sont ailleurs. En effet, les idéologies marquantes qui imposent leurs prismes, parfois déformants, imposent un fort degré de subjectivité aux décideurs politiques. De plus, cela empêche une révision, trop souvent nécessaire, des politiques précédentes, et interdit, pratiquement, le mea culpa… Les exemples sont nombreux et ils ont pour noms Kadhafi, Assad, Frères Musulmans, crise des migrants, etc.

L’exercice proposé par le groupe de réflexion responsable de cette étude de 63 pages, est d’autant plus intéressant qu’il devrait être renouvelé et même qu’il mériterait d’être permanent. En matière de politique moyen-orientale, et on se limitera volontairement à cette dimension, le prochain Président de la république se doit d’être cohérent vis-à-vis de sa politique étrangère de manière générale, et vis-à-vis des divers aspects de sa politique nationale (ainsi, comment peut-on prétendre défendre la sécurité des Français à l’intérieur contre une idéologie terroriste que l’on soutient volontiers non loin de là, au Levant…). Il ne s’agit pas d’un puzzle que l’on assemble à la hâte, et mal, avec l’assurance de pouvoir tout démonter et reconstruire indéfiniment…

Cet exercice mené par d’anciens diplomates et par des chercheurs « d’horizons divers », a le mérite aussi de faire des propositions concrètes, qui varient cependant de simples mesures (voire des mesurettes) à de grandes orientations stratégiques utopiques (« Promouvoir des initiatives visant à stabiliser la région »…). Il mériterait d’être doublé d’une posture stratégique, qui offrirait cette cohérence d’ensemble qui manque, depuis quelques années, à l’action extérieure de la France au Moyen-Orient, et qui réduirait, de facto, les dérives idéologiques et partisanes…

 

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