Iran – France: Réduire l’exposition française aux risques iraniens


Publié dans le numéro 16 de la LettreM.

Prudent, le Quai d’Orsay a évité de réagir immédiatement aux incidents qui secouent l’Iran, et de commenter à chaud les manifestations qui ont éclaté dans les villes iraniennes. Paris, où de modestes rassemblements favorables aux contestataires étaient autorisés, ne pouvait prendre davantage de risques avec l’Iran à la veille de la visite du Président Emmanuel Macron, prévue à la fin du mois de janvier (cette visite, qui doit encore être confirmée à la lumière des évènements actuels en Iran et de l’évolution des relations franco-iraniennes ces dernières semaines, est coordonnée par le Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian qui est attendu incessamment à Téhéran).

La France et l’Iran semblent tous deux tenir à cette visite. Emmanuel Macron, qui aurait pu douter de l’utilité de maintenir son ouverture sur Téhéran alors que Washington tient entre ses mains les clés du marché iranien, peut voir dans l’instabilité émergente en Iran une opportunité à saisir pour assurer une présence bienveillante auprès d’un partenaire généralement peu docile. Hassan Rouhani et les dirigeants iraniens, qui auraient pu se détourner d’une France qui tarde à livrer ses promesses, et se désintéresser de son Président qualifié de « toutou » du Président Donald Trump, verraient, dans le contexte actuel, une utilité certaine à accueillir un chef d’Etat occidental alors que l’ouverture sur le monde extérieur en termes économiques et commerciaux notamment, constitue un enjeu politique interne central.

Cette visite de Macron à Téhéran devrait être confirmée et maintenue en principe, à moins que la situation en Iran ne s’aggrave considérablement et qu’un scénario à la syrienne ne soit redouté. Elle se tiendrait si la situation reste, comme c’est le cas encore aujourd’hui, sous contrôle, et si les pressions éventuelles des Etats-Unis et de leurs alliés saoudiens notamment ne parviennent à vider de son sens tout rapprochement franco-iranien dans la phase actuelle. Dans tous les cas, la France a toujours la possibilité de se soustraire au piège iranien, et de recentrer sa politique régionale, en attendant une meilleure visibilité. A ce stade, ce n’est pas une obligation. C’est seulement encore aujourd’hui une possibilité.

 

Arabie saoudite : Paris fait jouer la prudence avec Riyad aussi

Dès la confirmation d’un (nouveau) tir de missile (Burkane H-2) contre Riyad (19/12/17), le Roi Salman Ben Abdulaziz a pris l’initiative d’appeler par téléphone le Président américain Donald Trump (20/12/17). Le réflexe américain a joué pleinement dès les premières heures, comme on pouvait s’y attendre (sur les évènements actuels en Iran, Trump aura été un des premiers acteurs internationaux à réagir et à exprimer sa solidarité avec le peuple iranien…). Mais, cette fois et c’est une nouveauté, le réflexe russe a également joué chez les dirigeants saoudiens lorsque la sécurité de leur royaume était directement menacée… En effet, Salman a aussi appelé le Président russe Vladimir Poutine (21/12/17), mais quelques heures après Trump. Ainsi, sous la menace, les autres partenaires devenaient, de facto, des partenaires d’appoint pour Riyad…

Opportunisme britannique, dans l’esprit « post-Brexit » et « Est de Suez ». Alors que les condamnations de cette nouvelle menace contre la sécurité de l’Arabie saoudite pleuvaient, Theresa May, qui venait d’envoyer à Téhéran son Ministre des Affaires étrangères Boris Johnson (qui, lui, n’a pas hésité à commenter les évènements actuels en Iran), trouvait le moment opportun pour appeler le Roi Salman et son fils le Prince héritier Mohammad Ben Salman Ben Abdulaziz (20/12/17) et pour obtenir de ce dernier la confirmation de sa visite à Londres en 2018. Pour le gouvernement britannique, critiqué sur le dossier yéménite et pour son soutien aux Forces armées saoudiennes dans cette guerre, l’enjeu de la visite de MBS n’est pas neutre : des contrats avec BAE Systems (Eurofighter) et des partenariats économiques, financiers et technologiques, élaborés dans le cadre de « Vision 2030 », sont à l’ordre du jour.

Un véritable jeu d’équilibriste pour Macron. Pour sa part, le Président français Emmanuel Macron a attendu jusqu’au 24/12/17 pour prendre l’initiative de s’entretenir par téléphone avec le Roi Salman Ben Abdulaziz et pour dénoncer la nouvelle attaque balistique contre Riyad survenue le 19/12/17.

Lire la suite dans le numéro 16 de la LettreM.

Scroll to Top